8 mai 2010

Les voyages forment la jeunesse

Et oui, je reviens de chez les chameaux. Exotisme assuré. Sable, mer et cocotiers. Oui, je sais comme ça, ça a l’air merveilleux de pouvoir voyager autant, surtout quand c’est tout frais payé par le boulot. Mais je vous assure, que de votre imaginaire à la réalité… il y a un gouffre.

Ce que vous imaginez :
Fi du RER qui prend beaucoup trop de temps, je demande à ma secrétaire de me réserver un taxi et m’installe confortablement sur la banquette arrière, l’ipod vissé aux oreilles, profitant d’un agréable moment de détente jusqu’à l’aéroport.

La réalité :
Je demande à la secrétaire de direction (moi une secrétaire attitrée, vous rêvez !) de me réserver un taxi. Je me souviens à la dernière minute que je dois faire le check-in online, car la dernière fois ça m’a pris trois quart d’heure pour passer les comptoirs d’enregistrement, pianote frénétiquement d’une main tout en bouclant les dossiers que je dois emmener avec moi de l’autre. C’est le moment où l’imprimante décide de faire un bourrage papier. Je fulmine, tape sur l’imprimante, fini par obtenir une impression de ma carte d’embarquement, descend à toute vitesse en bas de l’immeuble par les escaliers (l’ascenseur étant magiquement aux abonnés absent) et arrive essoufflée au hall d’entré où le concierge m’explique que le taxi a fini par prendre une autre course. Je remonte, me fait engueuler par la secrétaire de direction, attend un quart d’heure mon taxi dans le hall pour être sûre de ne pas le rater, me tape une musique traditionnelle (pakistanaise ? Indoue ?) pendant 45 min et m’aperçoit avec horreur que j’ai oublié un des dossiers dans le hall ! Grrrrrrrrrrrrr

Ce que vous imaginez :
Je passe les contrôles et vais faire un peu de shopping dans le Duty free de Roissy, où j’achète à -50% un touche éclat de Yves Saint Laurent pour avoir le teint frais et l’œil reposé en toute circonstance.

La réalité :
Après une demi heure d’attente derrière une famille de chinois débraillés et sonores, et m’être mise à moitié à poil parce qu’un truc non identifié de ma personne faisait sonner le portique, j’arrive dans le hall d’embarquement, ceinture à la main et sacoche entre les dents, où mon client m’attend depuis 1h. Grand gaillard à l’accent du sud ouest, il décide immédiatement, et malgré ma mine échevelée, qu’il m’aime bien et commence sans plus de salamalec à me raconter sa passion, son bébé : le rugby. Je tente l’esquive toilette, il se trouve qu’il y va aussi et m’attend à la sortie. Impossible de le planter là. Adieu le Duty Free.

Ce que vous imaginez :
J’embarque dans l’A380 en classe business (après tout c’est quand même 7h de voyage, ma boite me doit bien ça) où on me sert une coupe de champagne de bienvenue. Je m’installe dans mon siège en cuir devant un grand écran panoramique et commence à zapper entre les 564 films disponibles.

La réalité :
J’embarque dans l’A380 (et oui, ça au moins c’est vrai), qui est un gros avion de kikalaplusgrossékipisseleplusloind’abord ! J’avoue que je suis impressionnée par le sentiment d’espace qui s’en dégage, sentiment corroboré par les petits cris de joie de mon client qui pour une fois dans sa vie et malgré sa carrure de rugbyman ne mange pas ses genoux en s’asseyant et peut se tenir debout à côté du hublot. Nous passons devant la classe business et nous installons tout au fond du fond de l’avion, à côté des toilettes, et le ballet incessant des visites au petit coin, ballet qui va durer tout le temps de vol, commence. Nous tentons la visite à l’étage des firsts. Il y a un vrai bar, avec banquette en sky et lumière tamisée. Une hôtesse nous explique gentiment, mais fermement, que nous ne sommes pas autorisés à être là, et nous renvoi fissa à nos places de dames pipi, avec les autres pecnos.

Ce que vous imaginez :
Je passe une bonne partie du vol à manger des petits fours et à regarder tous les films que j’ai raté au cinéma, puis je m’endors du sommeil du juste pour me réveiller fraiche et reposée à l’atterrissage.

La réalité :
Mon client, qui est un homme pragmatique, décide que le moment est excellent pour se mettre à potasser les dossiers. Rien de tel que 6h sans rien d’autre à faire pour se mettre au jus d’une affaire ! Il commence donc à éplucher un à un tous les plans que j’ai eu la bonté de lui amener et me pose 1000&1 questions, auxquelles je réponds avec le peu de dignité qui peut rester à une personne essayant de mâcher du plastique (et qui se demande en son fond intérieur… poulet ? ou poisson ? … à tiens, ya une deuxième texture… des lasagnes peut être ???). pendant ce temps, l’éclairage de la cabine passe du rose, au bleu puis au violet (trop design l’A380 !!) avant que des étoiles phosphorescentes n’apparaissent au plafond. Je suis sidérée par tant de bon goût. Mon client se met à ronfler, j’entame mon premier film. 1h plus tard je suis en état de mort neuronal.

Ce que vous imaginez :
Arrivez à l’aéroport, un chauffeur nous attend pour nous emmener à l’hôtel où nous passons une bonne nuit réparatrice, avant une longue journée de travail.

La réalité :
Le type du control des passeports (qui arbore une nappe à carreaux rouges sur la tête et est très tendance avec son pyjama blanc et ses tongs) tente de m’impressionner avec les trois mots de français qu’il a appris en regardant « Plus belle la vie » sur TV5 monde. Comme ça ne fonctionne pas il continue dans un sabir arabo-français assez incompréhensible, et, très offensé que je ne comprenne décidément rien, commence à éplucher frénétiquement mon passeport, qui il faut le dire, est un brin suspect, vu ma gueule de jeune bourgeoise coincée et le nombre de tampons de pays exotiques qui s’y trouvent. Il me demande si je suis ici pour le business. Je lui dis que oui. Il fait une moue remplie de doute. Je farfouille dans ma sacoche, renverse la moitié de son contenu au sol, trouve une vieille carte de visite, la tend au type qui l’inspecte comme un vieux bout de fromage corse. Quel hôtel ? Damned, où ai-je fourré mon e-mail de réservation… un truc comme, raders, claders… lassé de son nouveau jouet, il finit par me laisser passer. Nous nous rendons à une borne de taxi et tombons….
Sur LE ladies taxi, tout rose, le seul et unique de Dubaï, conduit par une femme toute de rose vêtue, avec un portable rose bonbon et qui siffle, « hey taxi, hey » en guise de sonnerie. Première fois, marrant. Deuxième marrant. Troisième, énervant. Quatrième, grosse envie de passer le dit téléphone par la fenêtre.
Etre conduit par une femme à Dubaï, étant aussi incongru que de trouver un troupeau d’hippopotames verts en tutu dans un temple grec, je m’émerveille du petit miracle qui s’accomplit sous mes yeux, avant de comprendre que notre chauffeuse est en fait la réincarnation de Samy Naceri et s’appelle certainement Danielle. Comme elle a l’air d’avoir le sens de l’orientation d’une palourde, nous visitons toute la ville avant de trouver l’hôtel, et je manque de rendre mon bout de plastique-lasagne avant la fin de ce cauchemar. Il est alors 2h30 du matin, heure local. Il y a une pute dans le lobby de l’hôtel, mais je fais de mon mieux pour lui décocher mon plus beau sourire, ce qui n’a pas l’air très convainquant vu l’œil torve de la dame. Je m’écroule sur mon lit très classe, dans une chambre très classe à gniouf gniouf euros la nuit, et me réveille au son d’un bip bip strident, ce putain de réveil, que j’ai eu la présence d’esprit de mettre en route et qui indique 6h.

Ce que vous imaginez :
Après une bonne nuit de sommeil, je rejoins mon client pour prendre un petit déjeuner de folie, dans un cadre enchanteur, puis nous partons pour notre réunion. Il fait grand soleil et 40 degrés à l’ombre. Sur le chemin, j’observe le pays et les gens qui vaquent à leurs occupations et prends quelques notes et quelques photos, histoire de conter quelques anecdotes au bulot à mon retour.

La réalité :
Après 3h30 de sommeil, je rejoins mon client, qui lui, en plus, a pris un dernier verre au bar hier soir (autant de femmes au m² ça ne se refuse pas… je n’investiguerai pas plus sur sa nuit) et qui donc à l’œil vraiment torve, pour prendre un petit déjeuner de folie, dans un cadre enchanteur. Il y a sur le buffet de quoi nourrir la somalie entière pendant un mois et je bâfre à m’en éclater la panse. Mon rugbyman de client aussi. Ya pas à dire, ils savent faire de la bonne cuisine internationale aseptisée dans ce genre d’hôtel. Il fait gris et 10 degrés de moins que prévu. Nous dormons comme des bienheureux dans le taxi qui nous mène à 200 km de là pour notre réunion.

Ce que vous imaginez :
En fait là j’avoue je ne sais pas trop ce que vous imaginez.

La réalité :
Nous passons les 10 heures suivantes dans une salle sans fenêtre, avec pour seule pause, la pause que nous nous accordons pour engloutir le sandwich et le coca qu’on nous apporte le midi. Ca tourne des pages, fait des schémas au tableau, s’énerve un peu et tape du poing quand il le faut, ça écrit des rapports en direct et montre des diaporamas power point avec de jolis graphiques, pinaille sur un terme, téléphone à son bureau pour confirmer un chiffre ou une date, joue l’intimidation, puis la camaraderie, avant de finir par signer un accord, arraché à la seule force de l’obstination et de l’épuisement. Le client est content, le fournisseur est content, je suis contente. Nous gagnons notre nouvel hôtel.

Ce que vous imaginez :
Après une dure journée de labeur, j’enfile mon maillot pour profiter de la piscine qui donne sur la plage privative de l’hôtel. Une fois sortie de l’eau, je sirote un cocktail au bar de la plage en regardant le soleil se coucher, puis je vais prendre mon diner dans ma chambre où je m’endors comme un bébé.

La réalité :
Après une dure journée de labeur, pas le temps de prendre une douche, nous allons nous enfiler des bières avec mon client et mon représentant local, au bord de la plage privative de l’hôtel en dissertant sur l’épaisseur optimum de galvanisation des boulons en acier carbone. Ca fait longtemps qu’il fait nuit et le groupe de l’hôtel entame un « Hôtel California » particulièrement nasillard. J’ai la tête comme une pastèque, 4h (en comptant les 2h de transport où j’ai dormi en pointillé) de sommeil et je crois que je serai capable, à cet instant, de me lever et de faire avaler sa guitare, ou son micro, ou les deux au chanteur. Nous mangeons divinement dans un cadre idyllique tout en parlant budget, planning et tenu mécanique aux tests hydrauliques. Vers 1h du matin, passablement ivre de bière et de fatigue, j’appelle le bulot pour lui dire que tout va bien dans le meilleur des mondes, prend ENFIN, une douche, puis m’écroule sur mon lit très classe, dans une chambre très classe à gniouf gniouf euros la nuit. 3h plus tard, le bruit d’une chasse d’eau me réveille.
Ma chambre donne à côté de la fontaine qui décore le patio. Je maudis les architectes et ma bêtise qui m’a fait oublier mes boules quiès et écoute pendant 3h durant le bruit de l’eau qui coule… A 7h je finis par me lever, dépitée, et vais courir une demi heure sur un tapis (face à la piscine… la classe… soupir) pour me défouler. Je ne dépasse pas les 8 km/h, ce qui représente le rythme d’une tortue asthmatique. Je retournerai bien me coucher, mais mon client m’attend au petit dej (qui est encore une fois à tomber… sauf que je suis un peu nauséeuse de la veille).

Ce que vous imaginez :
Là non plus je ne sais pas trop ce que vous imaginez.

La réalité :
Prendre la description de la veille et recommencer, sauf qu’à midi nous nous éclipsons pour cause d’avion à prendre. Nous nous retapons 2h de voitures dans l’autre sens. Le soleil est revenu et il fait une chaleur à crever. D’ailleurs tout est crevé à l’extérieur. Pas une plante, juste des cailloux et du sable. Même pas un chameau à l’horizon. Juste des tours blingbling collées les unes aux autres, histoire de cacher le soleil à ceux qui ont une fenêtre qui donne sur le côté. Nous arrivons à l’aéroport, mon patron m’appelle pour m’expliquer qu’il veut mon rapport de visite sur son bureau le lendemain matin. Je m’attelle à la rédaction du dit rapport, ordinateur portable sur les genoux, pendant que mon client fait le tour du duty free. Au bout de 15 minutes il a faim (ça mange dites donc un rugby man !) et m’entraine au « Comptoir du caviar » (rien que ça). Connaissant ma comptable, j’imagine les bouffées de chaleur et les plaques rouges qui vont lui sortir quand elle va voir le nom du restaurant sur ma note de frais. Je repère donc le plat le moins cher de la carte, des œufs au caviar, qui sont en fait des œufs mayonnaises avec 3 grains de caviar (ou d’œufs de lompe, je ne saurai vraiment dire), mais pas grave, je me la pèterai grave quand même en rentrant (sauf auprès de la comptable off course). Mon client qui n’a pas les mêmes scrupules comptables, se gave de sushis au caviar et de vodka. Je pense à mon rapport que je vais devoir finir dans l’avion et à tous ce qui se sera accumulé sur mon bureau en rentrant. Notre vol embraque, nous montons dans l’avion.

Ce que vous imaginez :
J’embarque dans l’A380 en class business (après tout c’est quand même 6h30 de voyage, ma boite me doit bien ça) où on me sert une coupe de champagne de bienvenu. Je m’installe dans mon siège en cuir devant un grand écran panoramique et commence à zapper entre les 564 films disponibles. Je passe une bonne partie du vol à manger des petits fours et à regarder tous les films que j’ai raté au cinéma, puis je m’endors du sommeil du juste pour me réveiller fraiche et reposée à l’atterrissage.

La réalité :
J’embarque dans un boeing 777 et perds d’emblée 3 côtes grâce à l’intrusion dans mon espace vital du coude de mon voisin, ce qui n’est rien en comparaison du genou qui m’arrive au menton, dans une tentative désespérée de garder mon portable ouvert pour finir ce putain de rapport. Je finis pas boucler le dit rapport et mâchouille mon bout de plastique réglementaire devant un film neuneu. J’arrive même à dormir une heure avant que le commandant de bord ne nous annonce la descente sur Paris Charles de Gaulle avec une température au sol de 11 °C… Snif ! Il est 21h. Le lendemain matin 8h, je suis à mon bureau pour reprendre du service.
Conclusion : J’ai pris l’A380 et les ladies taxi. J’ai vu Dubaï et Fujairah et ai dormi dans des hôtels grands luxe. J’ai mangé au bord de la plage des repas gastronomiques et me suis fait servir comme une princesse. J’ai surtout dormi 7h en 3 jours et ai travaillé le reste du temps. J’ai parlé uniquement de boulot ou de rugby ou de foot, n’ai pas vu mon bulot et ai visité exclusivement des chambres d’hôtel, des halls d’aéroports et des salles de réunion sans fenêtre.

Et le mois prochain je remets ça !

5 commentaires:

  1. Et je comprends d'autant plus ce besoin de dormir hier soir...
    Repose toi bien ce we, si tu y arrives...
    Bises

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  2. Coucou Zorglub!
    Encore désolée pour hier: si ça peut te rassurer à 22h pétante je dormais comme une larve.
    Bises

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  3. Moi, j'adore tes nappes à carreaux ! Et le loukoum devant la voiture est top ! Dis-moi, t'es sûre qu'il est à 50% le touche éclat à Roissy ?

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  4. Non, j'en ai aucune idée. Tout ce que je peux te dire c'est que dans le catalogue duty free de l'avion, ils vendent les deux à 65$, soit à peu près 25 euros l'un... alors qu'il me semble qu'ils sont à 30€ chez sephlaura ... et le duty free des avions c'est pas réputé être bon marché

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  5. Bon, tant pis, je vais continuer à le prendre chez BernardBigornaud pour m'alléger mes valises...
    Et dors bien ! Fais-toi la limonade de gingembre, ça va te remettre d'aplomb !

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