14 mars 2010

La magie du théâtre: Une promenade de santé - Un moment de grâce

C’est le week end, alors je continue avec les recommandations de sortie (même si cette pièce se joue en semaine).







Sur Paris, il y a beaucoup de pièces qui se montent chaque année. Beaucoup. Certaines avec de grands noms, dans de beaux théâtres et une grosse machinerie, et d’autres, de petites production, one man show, chansonnettes poussées en arrière de bar… Des milliers d’artistes, d’heures de représentation, de rêve, de plaisir, de déception aussi, parfois.







J’adore le théâtre. Viscéralement. C’est l’art, avec l’écriture, dont je me sens le plus proche.







Petite déjà, alors que je ne savais pas encore lire, ma mère m’achetait ces livres contés par de belles voix douces, sur des K7 audio (hé oui ma bonne Lucette, ça ne nous rajeunit pas tout ça), et je jouais à la liseuse, très sérieuse, très concentrée, suivant du doigt les mots que je ne savais pas déchiffrer mais que je reconnaissais à force de les avoir caressés, et tournant les pages au son de la fée clochette.







J’aimais les histoires.







Alors quand j’ai su lire je suis devenu un vrai petit rat de bibliothèque, toujours un livre à la main, perchée dans des endroits improbables pour être tranquille et lire. Etre avec mes histoires.



Et donc très vite, au détour d’une colo et d’un mercredi au centre aéré, j’ai commencé à faire du théâtre. D’abord souris, arbre, ou chien. Puis, princesse, sorcière, dame de cours.







Et j’ai adoré.







Adoré être une partie de cette machinerie à histoire, adoré comprendre comment nous pouvions nous, avec notre corps, nos yeux, notre voix, devenir d’autres pour amener aux spectateurs le rêve, celui que je cherchais dans les livres. Adoré comprendre comment avec une lumière et trois bouts de ficelle on suggérait un bord de mer, un boudoir, ou une taverne. Adoré me déguiser, et jouer.







Aujourd’hui, à chaque fois que je m’assois sur le velours rouge des fauteuils d’orchestre, le bois des chaises d’une salle des fêtes, le banc d’une cave où se produit le prochain espoir de la scène parisienne, j’ai un petit gonflement de cœur quand le noir se fait, car il y a toujours cet instant de silence et d’excitation, avant qu’on ne découvre un autre monde, une nouvelle histoire, où tout est possible.







Autant vous le dire, depuis que je suis à Paris, j’essaye d’écumer les théâtres parisiens, avec mes faibles moyens, à coup d’invitations et de réductions sur des sites internet. J’ai vu un peu de tout, du très bon et du très mauvais (souvent hélas du très mauvais), et bizarrement un grand nom et un grand théâtre (sans parler d’un gros montant à l’achat du billet), ne veut pas forcément dire, une grande pièce. C’est un peu ce qui est décourageant dans le théâtre. On ne sait jamais trop sur quoi on va tomber.







Et là, le bulot avait entendu du bien de cette pièce, à la radio je crois, et s’était empressé de réserver 2 places, certain de me faire plaisir.



D’abord parce que j’aime beaucoup Mélanie Laurent. Sa sensibilité, sa douceur un peu roque, lui donne une force et une profondeur, une capacité à m’émouvoir. Ensuite, parce que le sujet était complètement déroutant et potentiellement génial : 2 personnes qui se croisent sur le banc d’un jardin… mais dans un hôpital psychiatrique, ça pouvait donner lieu à n’importe quelle dérive fantasque, et ça, sur le principe ça me plait. Enfin, parce que j’en avais un peu assez des grosses pièces comiques à l’humour un peu gras, qui font passer un bon moment, mais où on ressort un peu indisposé, comme proche de l’indigestion de s’être fait servir une énième fois la même formule pipi/caca/pouet-pouet/amant/placard/hypocrisie et quiproquo.







Et là, après le noir, la magie a bien eu lieu. Le théâtre que j’aime, celui qui nous raconte une belle histoire avec quelques lumières et trois bouts de ficelle, était là, sous mes yeux.



D’abord la pièce est très bien écrite. Nicolas Bedos (oui oui, le fils de... et avec un grand talent)ne signe pas ici un grand monument de la littérature française. Non, mais juste. Avec des dialogues percutant, qui viennent titiller le spectateur. Pas pompeux, pas simpliste. Juste. J’adore. Il y a une sorte d’intensité du propos qui ne pèse pas, et au contraire nous transporte, nous émeut et cela en grande partie grâce à la mise en scène et aux acteurs.



Car oui, la mise en scène est absolument bluffante. Tout est étudié, très minutieusement, sans aucun temps mort, mais avec assez de silence pour nous faire gouter la poétise des situations. Malgré la souffrance et la mise à nue un peu crue des personnages, tout semble évoqué, avec une grande pudeur, sans verser exagérément dans un pathos qui aurait pu être assommant. Cela rend les personnages encore plus fragiles, beaux et attachants. C’est délicat. Touchant. On a de plus une vraie notion du temps qui passe entre chaque scène sensée avoir lieu à plusieurs mois d’intervalle, dans des lieux parfois bien différent. Et d’ailleurs le décor a lui aussi été brillamment pensé. Très épuré, presque pas de costume, en un mot, pas de grand moyen, mais il suffit de pousser une cloison, de braquer un spot et hop, nous voilà ailleurs. Magique.



Enfin les comédiens… Jérôme Kircher est extraordinaire ! Un grand comédien, qui porte la pièce (et sa partenaire) à bout de bras. Une grande performance. Il est si présent, si convaincant, qu’on en oubli parfois un peu la petite Mélanie, pourtant héroïne de l’histoire, mais qui ne peut qu’être en retrait face à ce monstre de scène, avec sa fragilité et son charme qui participe beaucoup à nous séduire.



Une belle écriture, une mise en scène intelligente et des comédiens de talent… de la grâce.



Voilà les ingrédients d’une grande pièce. Je crois que c’est l’une des meilleures qu’il m’ait été donné de voir ces deux dernières années, car malheureusement, la grâce, c’est assez rare et difficile à atteindre.

Courrez les voir (même si les places se font très rare!).

La Pépinière Théâtre Pour infos et horaires, c'est ici ou .
7, rue Louis Le Grand 75002 Paris

Du 9 février 2010 au 29 mai 2010.
Du mardi au samedi à 19h.




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